Alexis-Marie Lépicier
Cette Biographie du Cardinal Alexis-Marie Lépicier est extraite du livre « Le Canada Français - Le Cardinal Lépicier et son Oeuvre théologique »
Le cardinal Lépicier naquit à Vaucouleurs, en Lorraine, le 28 février 1863.
On sait qu’il entre dans congrégation des Servites de Marie, mais nous connaissons peu de choses des premières années de sa vie religieuse. Retenons seulement qu’envoyé à Rome par ses supérieurs pour compléter sa formation dans les sciences sacrées, il obtint le titre de docteur en philosophie et en théologie ; son professeur Mgr Satolli se plaisait à voir en lui « le plus accompli des thomistes » de la Congrégation « De propaganda Fidei »
Maître des novices servîtes, en Angleterre, pendant deux ans, il fait rayonner science et ferveur sur ce « petit troupeau » si cher à son cœur ; puis Léon XIII l’appelle à succéder, dans la chaire de dogme, à Mgr Satolli, qui vient d’être nommé Délégué Apostolique aux États-Unis.
Le Père Lépicier arrivait donc à Rome en novembre 1892 ; il inaugurait tout de suite, à la Congrégation pour la Propagation de la Foi, cet enseignement qu’il devait poursuivre pendant vingt et un ans, avec un succès croissant, distribuant sans mesure les trésors de son intelligence et de son cœur à des milliers d’élèves venus de toutes les parties de la terre. Il n’y a pas eu beaucoup de professeurs, croyons-nous, dont la parole ait eu des échos aussi lointains et des répercussions aussi multiples ; aussi était-il vraiment émouvant d’entendre le Cardinal évoquer devant nous, en nous montrant une mappemonde, les noms et les figures des missionnaires, fondateurs ou chefs de chrétientés, qui, un jour, furent ses élèves ; et comme sa voix tremblait d’émotion quand il parlait de ceux qui furent, sous les feux de l’équateur ou aux glaces polaires, les défenseurs de la foi ! Sa mémoire fidèle aimait aussi à rappeler le souvenir de plusieurs évêques, et même de quelques cardinaux qui avaient été ses élèves.
Par la publication de nombreux volumes sur des matières théologiques, le Père Lépicier ne tardait pas à s’imposer au monde savant. En même temps, les Congrégations romaines mettaient à profit sa science approfondie et sa large expérience, qu’une connaissance parfaite des principales langues modernes rendait plus efficaces encore. Pie X lui confiait même quelques missions délicates, comme celle de Visiteur apostolique dans les diocèses de l’Angleterre et de l’Ecosse.
Dans l’Ordre des Servîtes, il s’élevait aussi rapidement aux divers degrés de la hiérarchie, tandis qu’il fondait à Rome, pour les étudiants Servîtes, le collège international Saint-Alexis Falconieri, à la direction duquel il se dépensa jusqu’en 1924.
Dans son Ordre, il fut successivement consulteur, procureur et, en 1913, prieur général ; pendant les difficiles années de la grande guerre, il dirigea ses frères avec zèle, prudence, fermeté.
Puis commença pour lui la période des grandes missions pontificales. Créé archevêque de Tarse en 1924, il fut, par la volonté de Pie XI, mêlé de façon intime à la vie missionnaire ; et de même qu’autrefois Paul de Tarse avait parcouru le bassin de la Méditerranée pour annoncer le Christ, de même en 1924, Alexis Lépicier, archevêque de Tarse, prenait au nom du Pape le chemin de l’Hindoustan, comme Visiteur apostolique. Il s’en allait porter à la vieille chrétienté syro-malabare, naguère rapprochée de Rome par l’active prédication de ses Carmes indigènes, une bulle pontificale qui leur donnait une hiérarchie régulière ; et ce professeur de missionnaires, jadis, à la Propagande, devenait lui-même missionnaire en accueillant quelques prêtres jacobites dans le sein de l’Église romaine.
Missionnaire, il le restait dix-huit mois durant ; au cours de ses longues pérégrinations à travers l’Hindoustan, les populations indigènes lui firent d’enthousiastes réceptions ; l’Université de Bénarès l’accueillit solennellement ; bien plus, une réunion d’Hindous et de Musulmans l’interrogèrent sur le message du Christ ; si bien qu’un évêque du pays a pu dire de lui « qu’arrivé en charmeur, il retournait en conquérant ».
C’était ensuite vers l’Abyssinie et l’Érythrée que se dirigeaient, en 1927, ses pas de Visiteur apostolique ; le servite de Marie goûta là-bas des émotions presque familiales en constatant que, si des divergences théologiques séculaires retenaient encore loin de Rome une partie des Coptes, une tendre piété à l’endroit de la Vierge Marie leur était commune avec les fidèles du Saint-Siège ; et son âme sacerdotale se plaisait à saluer la Madone accueillante comme une ouvrière d’union.
Cette même année 1927 voyait S. S. Pie XI revêtir de la pourpre Mgr Lépicier. L’éclat de sa dignité nouvelle ne lui fera pas déposer pour toujours son bâton de pèlerin ; il courra le monde, encore à plusieurs reprises, comme légat pontifical.
Légat pontifical, le Cardinal le redevenait en 1935, dans l’île de Malte. Jadis Paul de Tarse y avait fait œuvre d’apôtre ; l’ancien archevêque de Tarse y paraissait à son tour, et les conflits politiques, qui avaient troublé même la vie religieuse de l’île, s’apaisaient à la faveur de cet esprit d’union qui est comme l’épanouissement naturel des grandes manifestations religieuses ; et les décrets canoniques que rendait, sous la présidence du légat, le premier concile de Malte, marquaient pour cette chrétienté l’aurore d’une vie religieuse mieux définie et plus intense.
Partout au cours de ces grandes missions, Son Éminence suscita l’admiration et l’enthousiasme par la ferveur de sa foi, sa vaste culture et le charme exquis de sa personne ; ses qualités extérieures étaient comme le reflet d’une vie surnaturelle profonde alimentée d’un grand savoir. Parmi les vertus qui lui étaient chères, soulignons sa charité, son humilité, son admirable simplicité. Au milieu des plus grands honneurs, sa vie était simple et sans faste ; et je crois bien que la plupart de nos curés sont matériellement mieux traités qu’il ne l’était,— et que ne le sont la plupart des cardinaux ; du reste, il croyait, comme ses collègues, que l’influence du bien ne se mesure pas au bruit de la vanité, ni à la richesse des prébendes.
Il habitait, dans un quartier paisible, un modeste appartement contigu à la basilique de Saint-Jean-de-Latran.
L’une de ses récréations favorites était de se promener, seul ou avec un ami, sur la terrasse qui couronne l’édifice, et « d’où l’œil embrasse dans une vision chargée d’histoire, les ruines de Rome païenne et les merveilles de Rome chrétienne » *.
Cette simplicité savait parfois se faire enjouée : on sait que les cardinaux issus des grands Ordres religieux, gardent d’ordinaire la couleur de leur bure ; le cardinal Lépicier était servite de Marie, et il portait fidèlement la soutane et le manteau noirs.
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