La visite de Marie et son séjour chez sa cousine Elisabeth
Début du chapitre consacré à la Visitation de la Vierge Marie, extrait du livre "La vie de Jésus dans le pays et le peuple d’Israël".
En ces jours-là Marie se mit en route et s’en alla en hâte dans le pays montagneux, dans une ville de Juda. Là elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Quand Élisabeth eut entendu la salutation, il arriva que l’enfant tressaillit dans son sein et Élisabeth elle-même fut remplie de l’Esprit-Saint. (Lc 1, 39-56
Les récits évangéliques qui suivent l’Annonciation apparaissent comme une succession de scènes de la vie populaire en Palestine à cette époque. Elles s’y renouvellent encore aujourd’hui dans la vie des petites gens. Mais ici l’événement naturel est rempli, chaque fois, de surnaturel, en est pour ainsi dire intérieurement inondé et devient quelque chose d’inouï et d’unique.
Une jeune femme en visite une plus âgée qui, comme elle, a reçu la bénédiction de la maternité — et voici que la salutation de ces femmes se termine par la déclaration enthousiaste que leurs espérances de mères sont aussi les espérances du monde. Un homme d’une condition modeste se demande s’il doit emmener chez lui sa fiancée — et voici que le ciel lui annonce que telle est la volonté de Dieu. Un enfant naît dans la maison d’un homme âgé — et voici que le vieillard commence à prophétiser. Un enfant naît dans une étable — et voici que le ciel s’ouvre.
C’est un spectacle curieux au moment des réunions solennelles, par exemple sur la grande place qui est auprès de l’église de la Nativité, à Bethléem, d’observer les petites gens de Palestine. Au moment de l’entrée solennelle du patriarche, la veille de Noël, se rencontrent là, chaque année, des amis et des parents des différentes localités du pays. Les femmes ne sont pas moins nombreuses que les hommes. On a toujours l’occasion de voir comment ces commères se saluent. Ces pauvres femmes, qui se lèvent chaque matin à trois heures pour tourner la meule, déploient, dans leur salut, une noblesse d’attitude et une cordialité dont un artiste pourrait s’inspirer pour représenter la rencontre de Marie et de sa cousine sainte Élisabeth. Elles s’embrassent, se baisent et crient leur salut d’une voix haute, claironnante et chantante. Étant donnée leur vivacité, elles ne se contentent pas d’une seule salutation. La première est suivie d’une seconde et d’une troisième qui s’expriment en formules différentes et s’accompagnent, quand il s’agit de personnes d’un rang différent, de manifestations de respect. Les musulmanes se saluent encore comme on se saluait déjà au temps de David et au temps de Marie : « Paix — la paix soit avec toi. » Dans la réponse, l’amabilité innée des Orientaux les porte à redoubler ou à multiplier le premier salut.
C’est une scène de ce genre qu’on devait normalement attendre, quand la jeune Marie entra dans la demeure de sa cousine âgée Élisabeth, — couverte encore de la poussière de son long voyage. Peu de temps après l’entretien avec l’ange, elle avait quitté Nazareth et s’était mise en voyage. C’était dans le temps qui précédait la Pâque. Il lui avait été sans doute possible de se joindre à une des premières caravanes de pèlerins. La saison des pluies avait cessé, le soleil était plus chaud, la plaine de Jezraël ressemblait à une mer verte de blés ondoyants, et même les hauteurs rocheuses de Samarie et de Judée avaient pris des couleurs plus sombres ; partout sortaient de terre des jeunes pousses ; les grandes campanules unies des anémones et les étoiles des narcisses brillaient au soleil. C’était, dans un certain sens, la plus belle époque de l’année.
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